D'âmes, de coeur et de plume

D'âmes, de coeur et de plume

CONTE AUDIO - Récit d'une vision : "Rencontre de Grenat et de Doré"

 

 

 

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Rencontre de Grenat

Je suis sur une immense esplanade. Le soleil, éblouissant à l’horizon, pare les dalles de marbre blanc de nuances dorées. Je balaie du regard ce qui m’environne, mais je ne perçois que lumière tout autour, et pelouses vert tendre. A quelque distance, deux colonnes reliées par un linteau supportent des voiles de mousseline blanche. Souples dans le vent tiède, ils marquent l’entrée de ce qui semble être un escalier. Je m’approche, le sol est moite sous mes pas. Arrivée à l’escalier, je marque un temps d’arrêt puis commence à descendre. La lumière du jour fait rapidement place à celle des flambeaux fixés par des supports de bronze ternis aux parois de pierres travaillées. Je me sens légère, portée, mes pas renvoient un son mat alors que je m’enfonce, plus bas, de plus en plus bas. J’atteins la dernière marche et une vaste salle s’ouvre devant moi. Elle est vide, bien éclairée et tout est paisible. Je suis seule ici. Je m’engage, j’aperçois une porte qui ferme le passage.

Cette porte est de couleur grenat. Je lui fais face, hésite, elle n’a pas de poignée. J’ai fait tout ce chemin, mais il n’y a plus nulle part où aller. Je reste interdite, je ne sais pas quoi faire. Rebrousser chemin ?

C’est alors que la porte me salue ! :

« Toi qui est venue à moi, soit la bienvenue ».

Une porte qui parle !! Mais c’est une vision, cette dimension doit obéir à d’autres règles. Je lui réponds :

« salut à toi, Porte, je m’appelle Alfalfa, comment te nomme-t-on ? »

« Je m’appelle Grenat »

« Mes vœux t’accompagnent Grenat, puis-je passer et continuer mon chemin, comment t’ouvre-t-on ? »

« Je ne suis pas une porte qui s’ouvre, tu l’as constaté par toi-même, efforce-toi de poser les bonnes questions ! »

Je prends un temps pour réfléchir, m’approche davantage, ferme les yeux et l’effleure. Elle est douce, comme du velours, j’exerce une légère pression et mes mains s’enfoncent légèrement dans sa texture. C’est une sensation agréable quoiqu’un peu dérangeante, je la sens parcourue d’énergie, comme si de la vie circulait en elle. J’ai la nette impression que je pourrais tout entière m’absorber en elle. Cela me rappelle quelque chose, mais je ne saurais dire quoi.

Je fais un pas en arrière et libère le contact. J’ouvre les yeux et m’adresse à nouveau à elle :

« Bien, tu es une porte que l’on ne franchit pas, ou pas de façon ordinaire, tu es une porte spéciale, tout en toi est très particulier, et puis tu parles. Qui t’as placée là, Grenat ? »

« Je suis venue avec le sang, avec l’amour et la peine, je suis là depuis très longtemps, depuis ton origine »

« As-tu un enseignement pour moi, Grenat ? »

« Oui, je t’attendais, notre rencontre était prévue depuis longtemps, mais tu ne pouvais me voir avant aujourd’hui. Tu as fait le chemin jusqu’à moi ».

« Cet enseignement est-il contenu dans la façon de t’ouvrir ? »

« Tu ne peux pas m’ouvrir parce que tu ne vois que moi, je suis un leurre et un repère, tu as encore besoin de moi. »

« Alors comment allons-nous procéder ? Quelle est la marche à suivre ? »

« Pense à moi, touche-moi à nouveau par la pensée le soir avant de te coucher et parfois dans la journée, restons en contact et nous nous reverrons peut-être ! »

Je ne me sens pas bien et je respire mal, terriblement oppressée. Je me rends compte que cette sensation s’est installée progressivement au cours de cet entretien, depuis que je l’ai effleurée. J’ai envie de m’en aller. Des émotions remontent et je n’ai pas envie de les nommer. J’ai la nausée, je crois que je vais m’évanouir.

La vision m’échappe et se déchire, mais je ne peux m’empêcher de voir en un dernier regard que la porte suinte des larmes, des larmes de tristesse. Elles naissent de tous ses pores de velours et gouttent sur le sol. Ces larmes sont grenat !

 

Rencontre de l’Aspect Doré

Depuis plusieurs jours et plusieurs nuits, je vis avec Grenat. La nausée est presque constante, et la tristesse aussi. S’ajoutent à cela des sentiments pénibles de honte, de gêne, de ne pas être à ma place, d’occuper trop d’espace. Dans la rue, je fuis le regard des gens et à peine sortie je m’empresse de rentrer chez moi. Mais le soulagement d’être enfin seule fait vite place à une envie de fuir à nouveau et de retourner vers le monde. Je ne me sens bien ni à l’intérieur, seule, ni à l’extérieur parmi les autres. Je ne me sens bien nulle part ! En fait la porte est bien là, c’est à son seuil que je me sens le moins mal. Le trousseau à la main, sur le palier, j’engage la clé, mais n’ouvre pas. Je ne suis pas encore entrée chez moi, mais je ne suis plus vraiment à l’extérieur non plus. Là, sur le palier de mon troisième étage, des bruits me parviennent des autres étages, et dessous le chien aboie joyeusement. Mes voisins sont chez eux, c’est réconfortant, mais ma présence est invisible. Je pourrais m’asseoir sur mon paillasson et dormir là, puis déguster la baguette de pain pour remplir mon estomac vide, et fermer les yeux pour attendre demain.

C’est fou !

Je me suis assise sur le paillasson, j’écrase les mots « Welcome » qui y sont imprimés.

Oh, non... je crois que je vais vomir, mon estomac se retourne, je transpire, on dirait le mal des transports.

Au-dessus une porte claque. La voisine commence à descendre. Je me secoue, me redresse, tourne la clé, entre et ferme la porte d’un coup sec. Je prends appui, dos au battant. Mon cœur explose. Mais que m’arrive-t-il ? En tout cas, cela ne peut plus durer, d’autant plus que cela empire.

Alors je vois Grenat, comme elle m’est apparue dans la vision, suintante, et je réalise, en une impulsion glaciale qui fait frissonner tout mon corps, qu’on dirait… une muqueuse. Ses mots me reviennent :

 « Je suis venue avec le sang, avec l’amour et la peine, je suis là depuis très longtemps, depuis ton origine »

Naissance ?

« Tu ne peux pas m’ouvrir parce que tu ne vois que moi, je suis un leurre et un repère, tu as encore besoin de moi. »

Mère ?

Mal des transports.

J’ai laissé tomber mon sac de courses au pied de la porte, et je suis entrée dans la pièce qui me sert de bureau. J’allume des chandelles, je vais provoquer la vision.

Je respire confortablement. La détermination et la concentration apaisent mes sensations : ma professeur disait que l’intention efface la peur. C’est une ligne d’énergie qui rassemble et qui prend le relais.

Je suis sur l’esplanade, tout y est identique : les dalles de marbre, le soleil, les pelouses, les voiles de mousseline. Je descends l’escalier, les flambeaux sont allumés et, comme la fois précédente, j’accède à la vaste salle. Je marche vers l’endroit de ma rencontre avec Grenat, mais Grenat n’est pas là ! A la place, se trouve une porte dorée.

Je pleure. Depuis plusieurs jours, je me prépare à revenir. J’ai vécu des moments difficiles, mais notre rendez-vous m’a porté. J’ai tant de questions à poser. Je souffre du manque. On m’a volée, dépossédée, de Grenat. Peut-être ai-je fait quelque chose de mal, ou bien j’ai pris trop de temps. Je panique. Je me suis peut-être trompée ? Grenat était sans doute à un autre endroit de la salle ! Je cours dans la pièce, je longe les murs, les tâte, de plus en plus vite. Puis je reviens au même endroit, essoufflée, et toujours pas de Grenat. C’est comme-ci j’avais perdu un être cher, une chance de dialogue, de guérison. J’aurais aimé lui parler de ces jours derniers, des émotions qui m’ont rencontrée, de ma difficulté à me vivre et à contacter l’extérieur.

Je m’affaisse sur le sol, aujourd’hui j’y passe beaucoup de temps. Heureusement qu’il est là, le sol. Je ne veux plus rien, rien voir, entendre, sentir, ni savoir. Je cherche l’oubli et me renferme sur moi-même. Toute recroquevillée dans un lieu où on ne peut m’atteindre, je dresse autour de moi l’enceinte d’une forteresse pour me rendre insensible : une barrière d’insensibilité.

Pourtant, dans les brumes qui m’ont envahie, et malgré tous mes efforts pour y rester sourde, j’entends une voix qui s’adresse à moi, directement. Elle vient en pensée, et c’est par la pensée qu’elle m’a trouvée, car en corps je me sens comme morte.

« Ecoute-moi, Grenat n’est pas partie, elle est là, elle vit en moi, calme ta peine et regarde-moi ».

L’espoir n’est pas totalement évanoui, car je lève les yeux. Elle a mentionné Grenat !. Mais ce que je contemple n’est qu’une autre porte et elle est dorée. Juste dorée, désespérément dorée.

« Oui, mon nom est Doré, tout comme mon apparence. J’ai ma raison d’être, car je suis l’autre aspect de Grenat. Je suis ce que tu es invitée à contempler au-delà de son apparence ».

Je suis fatiguée.

« Bonjour Doré, merci d’être là, même si je n’y crois plus. Je pleure Grenat. Pouvez-vous rendre ma fin plus douce ? »

« Si tu n’y croyais plus, tu ne serais pas là et moi non plus ! Tout comme Grenat, on ne peut me voir, que quand on s’y est préparé. »

« Qui êtes-vous Doré ? »

« Je suis toi, et je suis Grenat, je suis toi au-delà de ce que tu as pris pour vrai. Je me révèle en toi, je suis l’étape suivante. Je suis ce que tu es si tu oses ta liberté. Je porte en moi ta connaissance, et cette connaissance est très ancienne, elle doit servir le monde, un monde plus large que celui de tes premières années. Je suis ta vérité. Je me vis dans ta gorge. Je suis aussi ta liberté, si tu sais libérer ton manque et honorer le plein. Ne nourris pas le passé, fais volte-face et vois aujourd’hui pour aller vers demain. Tu as longtemps œuvré à guérir le passé, il est temps maintenant de nourrir ton présent. »

« Mais Grenat ? »

« Grenat est en paix, toi tu ne l’es pas. Tu voulais parler d’amour, tu voulais guérir Grenat, ta relation avec la mère qui t’a donné corps. Mais le passé est derrière toi. Nous ne pouvons agir sur lui. Le plus beau cadeau d’amour que tu puisses lui faire est d’accepter qui tu es. Ainsi la douleur de ta naissance trouve sa médecine. Aujourd’hui, tu appelles la mort et l’oubli, crois-tu vraiment que cela apportera soulagement et guérison ? Je te l’assure, cela ne porte que le néant. Qui cherches-tu à punir ? Quel but poursuis-tu vraiment ?

Je suis l’autre aspect de Grenat, je suis ta lumière dans l’obscurité, je suis la vie dans ton renouveau. Je suis ta voix, ta deuxième naissance, celle vers toi ! Si tu oses l’épanouissement. »

« Mais tous ces efforts… ? »

« Ils avaient une raison d’être, au travers de tes guérisons successives tu as restauré la solidité et la qualité des lignes d’énergie de ta famille, ainsi que les tiennes. Tu as construit ta force, ne reste que l’amour.

 

Ne reste que l’amour.

Et Doré vit en moi.

Alors j’ouvre les bras pour l’accueillir, mon cœur aussi.

Doré grandit.

Je ne meurs pas,

je recommence à vivre !

 

Vais-je oser ma joie ?

 



12/03/2022
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