D'âmes, de coeur et de plume

D'âmes, de coeur et de plume

Conte - Emancipation

EMANCIPATION

 

 

« Maintenant pour être libre de te vivre, il va falloir que tu me tues !», dit la mère à sa fille devenue femme.

Assises, elles se font face.

Dans la pureté de ce jour nouveau, l’enfant est venue voir la mère pour la consulter et recevoir sa sagesse.

Elle a posé sa question en confiance, avec tout le respect qui se doit.

Sa mère lui a souri, et puis voilà ce qu’elle a dit :

« Maintenant pour être libre de te vivre, il va falloir que tu me tues »

 

 

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Dans la pièce, le silence qui s’installe brusquement, comme une rupture de souffle, n’est dérangé que par le bourdonnement incessant d’une abeille qui se heurte à la vitre avec insistance, sans comprendre que pour trouver son chemin vers l’extérieur, il va lui falloir monter plus haut, vers le petit vasistas qui est resté ouvert sur le soleil, lequel ne réchauffe plus rien.

 

Elle a mal dans son cœur la fille, sa mère ne veut plus d’elle ! Sa mère ne veut plus qu’elle la serve !

Sa gorge est nouée, Sa respiration difficile :

« Si je te tue, c’est moi qui meurt ! »

 

La mère se lève sans répondre, froide, déterminée, elle raccompagne sa fille à la porte : « mais, mère, qu’ai-je fait pour vous déplaire ? »

 

La porte s’est refermée.

L’enfant est rendue à la rue.

Elle ne saura dire ensuite quelle force l’a ramenée chez elle.

Mais elle est là, bien là, avec la gorge qui fait mal des pleurs qu’elle ne peut exprimer.

« Le monde est vide, vide de toi, ma mère » : dit-elle au mur qui lui fait face.

C’est comme mourir : la vie qui s’en va sans qu’on puisse la retenir.

 

Dans ce passage, la conscience cherche à rassembler l’information qui pourra aider à la compréhension. Des images raniment les souvenirs :

 « Ma mère, chez nous, représentait l’autorité et la survie » : se dit l’enfant.

« Oui, elle parlait en notre nom et jamais je n’osais contredire ses mots ou ses décisions. Oui, même quand ils me semblaient injustes ou irraisonnés, jamais je n’osais aller à l’encontre. J’étais dépendante de mon cercle familial, on y assumait mes besoins de base, j’y avais un sentiment d’appartenance, en échange je me devais de me taire. »

Ma voix ? Elle appartenait à ma mère !

 

Elle réalise qu’elle serre quelque chose dans sa main.

Un petit morceau de papier fripé. Un mot de sa mère ?!

Elle le déplie, et lit :

« ma fille, tu es devenue une jeune femme, et une belle jeune femme, brave, que j’admire. Pour être heureuse, il te faut prendre ta liberté, marcher ton propre chemin. Trouve ta voie, cela te comblera. Pour être libre de te vivre, il te faut me tuer là où tu m’as enfermée avec ton pouvoir. Je t’ai volé tes mots, je n’en étais pas consciente, je te les rends. Je t’aime, et c’est par amour que je te libère. Rends-moi libre également. Nous nous reverrons… autrement. »

 

A quelques lieues de là, une abeille trouve un passage vers l’extérieur, par un vasistas resté ouvert. Quelle aubaine !

 

(Paru dans "L'ombre et la Paix")



12/03/2022
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